Prières










Dissonants accords de croyance et de technologie, les drapeaux dans la tempête sont comme des pages d'infini s'ouvrant et se refermant, parfois de face, parfois de dos. L'espace photographique devient une étendue des possibles,illimitée, dans une pauvreté formelle, plastique et architecturale. Ce décor minimal, noyé dans l'étendue du vide, stimule et inspire : des aplats de couleurs sombres et profondes, trace d'une présence calme et sublime. 
Les drapeaux, en suspension dans l'atmosphère, séparent, encerclent, coupent l'espace et le décompose. Dans ce paysage de l'isolement, l'esprit se vide de nos pulsions et vibre sur le rythme paisible de la courbe dessinée par ces voiles. 
Dans la passivité et l'écoute du corps intériorisé, dans un juste milieu entre engagement et retrait, le regard s'élève. Il s'agit dans ces photographies de poursuivre la rencontre avec le ciel. L'image laisse deviner un passage qui mène vers un au-delà mystérieux. La verticalité du trait permet de dépasser l'horizontalité terrestre. On quitte l'émotivité qui fragilise l'homme pour accéder à une force inconnue. Instant de religiosité et vécu conscient de notre "être-là " dans le monde.
La tempête laisse entrevoir et filtrer quelques fragments de ciels.
Au cœur du désir, dans ce qui reste d'impalpable et d'inaccessible, la matière s'immobilise. Chute inéluctable dans la mort et dans l'oubli : le tissu presque humain s'abandonne au chaos et à l'inertie. Le voile souple danse entre deux silences. Corps latent qui s'écartèle entre conscience et inconscience, éveil ou anoblissement, rupture ou fuite dans le non concret. Il bascule de l'autre côté, comme attiré vers l'immanence. 
Expression du rouge et du blanc. Le monochrome se fissure telle une cicatrice des sentiments. Lieu de la dépression, de la blessure et de la solitude. Une seule et même forme résiste et trouve son équilibre dans l'évidence de la rencontre avec la perte ; dans l'éclaircie d'un rien. C'est l'ivresse d'un abandon de soi. A la limite extrême du déchirement, l'être-objet devient tissu de chair. Les teintes pâles glissent vers le rouge : la passion s'inspire de la douleur, le drap s'éteint ou s'étend. Dans le silence des images, toute matérialité s'efface comme une âme qui se détache de son épaisseur. Lorsque le désir et la perte s'accordent miraculeusement pour donner un soupçon d'éternité, la plénitude extatique s'installe au creux de l'intime.
Du drapeau rouge du bateau dans la bourrasque, le drapeau change de direction et de sens : d'horizontal et conquérant, il devient vertical et méditatif faisant référence aux drapeaux de prières des Tibétains. Le drapeau oscille entre, juxtapose, le rouge vif de la passion et le rouge sang de la mort violente. Le rouge sang de la vie et de la mort, entre eros et thanatos indissociés. Cette prière exprime la fusion entre l'érotisme et le spirituel. L'écran cathodique est un espace méditatif. Des raies de lumière viennent percer cet espace. "Prières" est à la fois opaque, impénétrable, lourd et paradoxalement aérien, léger, fragile. Appel vers l'ailleurs. La vidéo exprime la douleur de la blessure, l'appel du vide, du spirituel et de la solitude. Mettre en équilibre le désir et la peur, la force et la blessure.